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Joël Stein


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Joël Stein
Bleu transparent variation 2, 11/001
acrylique sur toile, 50 x 50 cm
Joël Stein, Bleu transparent variation 2
06. IX. 2002.
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Joël Stein, les jeux de l'ombre
Parmi les nombreux artistes qui, dans le siecle passé, c'est-a-dire le Xxe siecle, ont été constamment préoccupés par les pieges des apparences du monde, peu ont été aussi partinents, et aussi rigoureux que Joël Stein.
Né en 1926, il fréquente d'abord l'atelier Fernand Léger a Paris, puis réalise en 1956 ses premiers tableaux selon des programmes mathématiques, qui aboutissent en 1958 au concept de labyrinthe. Ces oeuvres démontrent des préoccupations plastiques fréquentes chez Vantongerloo, Van Doesburg, dans les années vingt, et surtout parmi les membres du Salon des Réalités Nouvelles, fondé en 1946: L. Breuer, A. Nemours, J. Delahaut, ou d'un autre coté C. Graeser. Dans cette période domine le carré comme structure du support mais aussi comme unité de construction du tableau lui-meme ("Composition en rouge", 1956, "Grande composition abstraite", id.) La gamme chromatique est tres limitée : rouges, ocres, bleus... L'intéret de l'artiste, tres vite, va se porter sur un aspect précis de la composition, évident, par exemple, dans "Réciproque- en rouge et bleu"(1956): la symétrie comme élément essentiel de l'organisation du tableau, qu'il exploitera sous différentes formes jusque 1970 environ, pour s'atténuer par la suite.
Cette symétrie, qui pourrait tres vite signifier "statisme", comporte toujours un élément perturbateur, une part de chaos (on sait la fortune de ce concept dans de nombreux domaines scientifiques au XXe siécle, en écho aux lointaines cosmogonies par lesquelles l'homme s'expliquait la naissance de l'univers et sesavatars). Ainsi dans "Quadrature du cercle I" (1959) ou "Cercles rouges" (1960), l'oeil perçoit au premier abord une apparente régularité, meme si la symétrie n'est pas absolue. Et cette régularité est vite perturbée par des accidents, des ruptures, qui incitent a une observation plus approfondie. Celle-ci révélera alors un deuxieme niveau de lecture, ou les pertubations réagissent entre elles, et influenceront sans cesse le niveau le plus apparent du tableau, en un va-et-vient incessant. De ce fait l'oeuvre devient dynamique, incite le spectateur a adopter une lecture active, constructrice, d'ou toute mimésis est absolument exclue et, en soulignant le rôle essentiel de chaque élément qui n'est que pictural, permet d'éliminer une bonne part de subjectivité et de lyrisme qui réside tant chez le peintre que chez ce spectateur.
Ces oeuvres expliquent la facilité avec laquelle Joël Stein s'est intégré dans le Groupe de Recherche d'Art Visuel (G.R.A.V., fondé a Paris en 1960), par l'entremise de François Morellet, qu'il a rencontré des 1958, et dont les oeuvres, quoique proches, étaient plus minimalistes.
Le G.R.A.V. (qui, outre J. Stein et Fr.Morellet, comprenait J. Le Parc, J.P. Yvaral, Fr. Sobrino, et H. García-Rossi et brievement François et Véra Molnar), basait son action sur une conception ludique de l'art. Refusant de prendre l'art trop au sérieux, et de s'insérer dans les visions et circuits traditionnels, le G.R.A.V. revendiquait la participation active du spectateur, la communication, l'interaction des oeuvres et des spectateurs, pour engendrer une perception rafraîchie et de nouvelles actions. Ceci n'était certes pas tres original : on retrouve un tel programme (mais avec beaucoup moins d'humour...) dans les avant-gardes russes et soviétiques entre 1915 et 1930 environ, et vers 1960 a Madrid ("Equipo 57" ), a Milan ("Groupe T"), a Padoue ("Groupe N"), a Düsseldorf ("Groupe Zéro"), entre autres... L' impact de ces groupes (en contrepoids a l'Ecole de Paris et a son lyrisme envahissant) fut important dans les années soixante, et J. Stein joua un rôle non négligeable a coté de ses amis parisiens.
En effect, lorsque nous considérons ses oeuvres de cette période: "Tourne-disque-distorsion visuelle" "Sphere-lumiere" 1963 (peut-etre un clin d'oeil aux "Sphere-trames de Fr. Morellet, de 1962"), "Triedres" 1964, "Prisme. Hexagone bleu et vert I" 1964-1965, par exemple, nous constatons que toutes ont pour but avoué de perturber notre vision habituelle du monde, de modifier nos réactions en perdant la notion d'équilibre, de régularité, de perspective. Il s'agit bien plutôt de nous faire voyager dans un autre univers (le labyrinthe, qui revet ici un aspect matriciel, initiatique certain), ou tout nous semble aléatoire, sans régle précise, sauf nos interventions si nous nous pretons au jeu. Le chaos, et ses diverses formes (le hasard, l'aléatoire qui nous renvoie a la théorie des jeux de R.Caillois, l'imprédictible...) nous créent ainsi maîtres d'un monde a inventer, ou tout au moins a organiser, puisque les artistes ont déja mis en place un certain nombre de potentialités qu'il nous revient de faire vivre, elles et nous, a l'unisson.
Cette nouvelle attitude, bien évidemment, ne se prend pas au sérieux. Au contraire, elle se veut ouverte a toutes les propositions, a toutes les trouvailles, pour les intégrer dans un discours plein d'humour, mais qui reste conscient de ce qu'il apporte contre les courants officiels. Dans cette optique, en accord avec ses comperes, J. Stein travaille sur le mouvement, la lumiere, la surprise, et dresse les plans des labyrinthes de 1963 et 1965.
Lorsque le G.R.A.V. se dissout en 1968, rattrapé par l'histoire; Joël Stein continue son chemin dans deux directions: l'une, sporadique,dans le cinéma et plusieurs mises en scene, l'autre beaucoup plus constante, dans la peinture. La theme de la perturbation des perceptions, des faux volumes, des jeux de lumieres et des reflets...revetait un aspect souriant dans les labyrinthes et ses multiples variations. Par contre, il prend un aspect dramatique dans un film de 1964: "La Prisonniere", de Henri-Georges Clouzot, avec Romy. Schneider et Serge. Reggiani. Les décors d'une scene particulierement angoissante (illustration de la foile) ont été réalisés par J.P. Yvaral et J. Stein, a la demande de H.-G. clouzot qui avait vu l'exposition "Propositions visuelles du mouvement international/Nouvelle Tendance" au musée des Arts Décoratifs a Paris, en mai 1964. Cette mise en scene sera suivie par d'autres réalisations: "Visage" et "Sequanza" en 1969 (chorégraphies de M. Descombey), "Psychose" (opéra-comique sur une chorégraphie de Claude Bessy, en 1971), "La Divine Comédie" (Bruxelles, 1975), un dessin animé sur le paradoxe de Zénon, dans les années 80, etc.
Si ces travaux semblent, d'apres les documents conservés, n'exploiter que certains aspect (jeux et contrastes de lumieres, de formes, de couleurs...) de l'héritage du G.R.A.V., par contre, il semble que le chemin suivi en peinture nous propose des options quelque peu différentes.
Le theme des entrelacs (1970-1973), des spirales (1971), des translations (1983), des transparences et des ombres (des 1986 jusqu'a aujourd'hui), l'usage du laser des 1968... sont quelques uns des themes ou des techniques qui reprennet cette obsession de la lumiere, et donc de l'ombre et du reflet. Nous retrouvons ici le vieux theme platonicien de la lumiere qui seule peut donner la vraie connaissance parce qu'elle est d'origine divine, parce qu'elle dissipe les ténebres de l'ignorance, du dogmatisme, de l'hypocrisie... J.Stein exploite a sa façon ces trois défauts majeurs: l'ignorance est combattue par un renouvellement perpétuel des idées, tout en demeurant fidele a sa propre thématique et a son approche technique. Le souci d'expérimentation est constant, pour ne pas se satisfaire de l'instant: le sage est toujours en marche. Cette quete s'accompagne d'un sourire discret, d'une remise en question permanente, pour éviter de se prendre trop au sérieux, en refusant de s'arreter sur un style, une technique, un motif hautement reconnaissable et spécifique (qui tendrait a la vérité absolue...), ce qui serait parfaitement contradictoire avec l'esprit qui anima le G.R.A.V., ou M. Duchamp par exemple... Enfin, le remede contre l'hypocrisie, nous l'avons déja trouvé dans ce gout de l'expérimentation, le refus du dogmatisme, et aussi par le sens de la simplicité. Il ne s'agit pas de la modestie (meme si elle est bien réelle chez J.Stein...), mais plutôt du refus de s'abriter derriere de grandes théories pour énoncer un propos simple, mais fécond. Si l'on observe les gouaches de 1993, on y apercevra des cercles, des carrés traversés par la lumiére, qui se superposent, et donnent donc des variations colorées infinies... Tout se déroule dans la rigueur, et la logique scientifique Puisqu'un étalon chromatique est inscrit dans l'oeuvre... Mais en meme temps, nous saisissons l'ironie, l'homour du propos puisque cet étalon (ou bilan, constat?) est réalisé par le peintre, qu'il est aussi "irréel", aussi non-fonctionnel que le reste du tableau, qui n'est pas un collage, mais expérience: si on superposait deux carrés, l'un rouge, l'autregris, et que,sur ces carrés... Cette simplicité, qui est en réalité complexité, ne nous évoque-t-elle pas ces histoires du genre "Ilétait une fois...", comme "Histoire des deux carrés" de Lissitzky en 1920, ou les contes de notre enfance, porteurs d'une sagesse immense pour celui qui savait lire entre les lignes...
Joël Stein, on le voit, est un artiste inquiet. Cette apparente évidence et de la technique, ce sourire décontracté, on l'aura deviné, ne sont que leurres. Le peintre est inquiet non pas de sa renommée, mais de la justesse du probleme plastique qu'il formule, de la recherche qu'il poursuit, pour ne pas sombrer dans la médiocrité, dans l'ennui, dans le style confortable et plaisant, voire complaisant... En réalité, le labyrinthe que le G.R.A.V. a concrétisé ici et la dans les années soixante n'était que l'aspect optimiste d'une tragédie intime, celle que connaissent tous les créateurs. Ce qui est d'ordinaire métaphore et poésie devient ici dédale de réalité impassible, de création inquiete, de métaphysique un peu décalée, d'humour subtil, de simplicité réconfrortante ...
Peut-on se lasser de regarder, d'écouter Joël Stein?
Bernard Fauchille, Directeur des musées de Montbéliard
 
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